Les Oripeaux : "Parachever le dérisoire" 2022 installation en cours

 

 

 

 

 

 

  

TepistolaTipi 300 x 270 cm -235 x 240 - 180 x 230 cm  -2012- 2013 - 2014- éclairage : téléviseurs, vidéo, son : feu de cheminée , boite à musique, ventilateur.

 

 

Installation Coïncidence n°2 - dimensions variables - poutres, pierres, anthracites, lambeaux de papiers peints - 2020 

 

Confronter la fragilité avec la force, le durable avec l’éphémère.2023

 

Depuis plus de trente ans des extraits de papiers peints prélevés dans d’anciennes demeures abandonnées reprennent vie au travers des médiums de la peinture et de l’installation. Ma démarche met à nu mes préoccupations quant à l’état du monde dans un questionnement devenu aujourd’hui épopée, avec des milliers de fragments témoignant du passé, collectés et interprétés.

 

A la source de mon inspiration, l’enfance, la mère, la famille, la maison et son aménagement intérieur nourrissent la question de la transformation. Pour fil conducteur le présent du monde et l’identité de soi, les traces du passé comme témoins sensibles de la porosité de nos vies.

 

Le choix du papier peint comme matériau s’impose à moi de manière intuitive. Un dialogue nourri de pensées vagabondes liées à la fois à l’intime et aux questions de société s’installe dans l’atelier. C’est dans la réflexivité de mes décisions et la part de hasard que les œuvres se révèlent à moi.

 

Chaque création est l’occasion d’explorer les potentialités de ce matériau, ses fragilités et sa noblesse : une matière vivante et morte à la fois.

 

Un mode opératoire introspectif s’anime puisant des ressources légitimes transportées par l’art, et favorise l’émergence d’une part de soi et de son attachement au monde.

 

L’intention de « poser du temps » sur la toile est évidente, celle de se faire la passeuse d’un monde en train de disparaître, l’est tout autant. Elle fait foi sans autre perspective.

 

La question du « pourquoi et encore le papier peint » s’est souvent posée, mais elle m’a aidé à comprendre l’humanité incarnée par ce médium. Cette quête me permet d’avancer sur des territoires inconnus et vastes, d’ouvrir sur une pratique de l’installation revendiquant l’idée première de ne jamais faire de l’art un « objet ».

 

Confronter la fragilité avec la force, le durable avec l’éphémère.

 

Une épopée plastique avec pour étendard les papiers peints laissés aux perceptions de chacun et transportant tel un médiateur un lien infime et ténu.

 

Les oripeaux : parachever le dérisoire 2022 -

 

Comment dire, présenter, représenter cette vacuité d’une existence qui semble s’être à jamais interrogée sur elle-même. Cette chose à rendre palpable plastiquement, réellement, incontestablement, pour dire, exprimer ce qui se transforme, s’use, se vide de sens et qui est malmené par le temps ; un temps avant tout social, domestiqué et qui peut

s’effondrer de lui-même sans ménagement.

L’installation « les oripeaux » repose sur une dialectique éprouvée entre les images de l’actualité et l’instabilité croissante qu’elles dévoilent. Elle se construit sous une forme métaphorique, telle une allégorie représentant dans sa proposition plastique une potentielle fragilité rendant l’espace vulnérable à sa propre instabilité.

 

« Les oripeaux » sont faits de surfaces suspendues, marouflées de papier peint recto-verso, telles des pans de mur ayant perdu leur ossature, leur robustesse et l’imperméabilité de leur surface. Ces pans poreux, fragilisés, malmenés par leurs traitements plastiques et chimiques sont suspendus et maintenus par des cordages accrochés à un amas de poutres disposées au sol. En résistance face à l’éventualité d’une chute, ils sont contraints par le processus d’amarrage.

 

La vulnérabilité mise en scène par l’élaboration du processus d’accrochage fermé sur lui-même nous interroge tel le ruban de Möbius.

 

J’ai mené intuitivement depuis le début de ce travail de collectage de papier peint un questionnement, une inquiétude sourde sur la complexité des acteurs, du décor de notre vie intime, du facteur temps qui me fascine et qui transforme, transporte nos perceptions.

 

L’installation Les oripeaux peut être aussi abordé par une litanie Ici, là, maintenant : La question d’une géographie, la question du temps, la question de l’espace imaginé qui désigne des places, des champs, des laps mentaux où se greffent des sensations, des projections, en lien avec l’habitat, dans un temps non défini, intemporel, où se meuvent des interprétations, des résonances physiques et corporelles mettant le spectateur dans l’émoi.

 

Des lieux, des espaces, des circonstances lointaines, psychiquement lointaines, des vécus, suspendus dans un temps ultime où leur posture évoque la fragilité, l’idée de catastrophe, d’avenir et de présence à la fois, maintenus dans l’attente par des liens attachés « ici », sur un amas de poutres disposées dans un espace physique « là », qui a lieu ailleurs « maintenant ».

 

Les oripeaux agissent comme des réservoirs de signes qui supplantent le présent pour parachever une idée du devenir de ce qui existe et de ce qui adviendra, et tout cela dans un état ici, là, maintenant.

 

 

Par l’utilisation du papier peint, arraché dans des maisons abandonnées du nord de la France, je témoigne de la petite et de la grande histoire. Ces maisons sont souillées par les outrages du temps que la faillite des conditions économiques a permis de mettre à nues.
Nous sommes tous de quelque part, venant de lieux façonnés, réceptacles, abris ou frontières, habités ou désertés, qui nous imprègnent de leur harmonie ou de leur faille, nous orientent ou nous perdent. Mémoire inscrite, contraintes installées, ruptures, failles ou faillites.
En m’attachant aux espaces domestiques, lieux façonnés par l’histoire des familles, j’interroge cette faille, réceptacle de codes qui inscrivent les êtres dans leurs lieux et postures.
Dans un premier temps mon intention a été un travail de constat, rendant compte de la « Mémoire des lieux ». J’extirpais alors des résidus de papier peint dans des maisons abandonnées, puis je recréais à partir d'eux une mémoire collective, désuète et refoulée.
Je renforçais et révélais ainsi les traces de vies (salissures, décrépitudes...) pour souligner l'échec de la mémoire et interroger la fragilité des valeurs esthétiques, sociales et historiques.
Dans un deuxième temps, que j'ai intitulé « Fragments d'une légende », les papiers peints, ces témoins historiques et sociaux de l'intimité de l'être, sont devenus les indices d'un passage et les derniers résidus de l'abandon.
J'ai alors « empreinté » sur eux des objets familiers et quotidiens : lavabos, robinets, tuyaux, têtes de lits, etc. La question de l'identité s'est alors posée. Celle qui nous engage, dès la naissance, à définir les preuves de notre cohérence au monde.
Le dernier temps intitulé « Le jeu du corps et Le corps du je » met en abîme la mémoire. J'interroge le corps sociale par le biais du papier peint comme élément, indice référant à l'intimité de l'être. La figure humaine est alors apparue dans mon travail, une figure à présent consciente et assumée.

 

Je suis à la recherche de papiers peints

 

 « Coïncidences » à l'espace d'arts visuels de Niort – le Pilori – 22 janvier au 9 mars 2020

 

Mon travail artistique se présente comme une épopée, un champ d’expérimentation qui prend sa source dans la région de mon enfance. De nombreuses itinérances m'ont permis de découvrir des lieux abandonnés avec comme seul témoignage humain, la présence de papier peint que j'ai prélevé des murs de maisons.

Ces lieux ont été rendus disponibles car leurs résidents s'en sont allés. Ils ont cherché refuge ailleurs, quelque part. Ils ont changé de trajectoire, de but, de lieu de vie.

 

La cartographie de mon travail se nourrit des prélèvements de papiers des différents espaces,maisons que j'ai foulés pour saisir les images de leur imminente disparition.

Avide d’énigmes, scrutant les moindres couches, strates, mon travail a dessiné une trajectoire comme on construit une destinée, emportée par l'émotion.

 

Il y a eu des toiles, des projets représentant le mur et ses écueils.

 Et puis l’installation Tépistola I, II, III, IV où ces itinérances se retrouvent signifiées, où la sédentarisation confronte le nomadisme. La présence du papier peint transféré sur une surface translucide, évoque l'immuabilité. Elle s'interpose comme une peau organique couvrant une structure d'habitat nomade : le tipi. Sa fonction souligne l'itinérance des peuples qui se déplacent pour survivre.

Ce travail amène à réfléchir, en se faisant miroir symbolique, métaphorique d'une transhumance sociétale qui a eu lieu et qui se poursuit pour les mêmes et autres raisons.

 

Martine Hoyas