autres leins : * Martine Hoyas déglace les traces du temps qui passe...

Texte de Claude Blondeau pour le vernissage "Coïncidences" au Pilori le 23 janvier 2020

 Une vie de motifs pour convoquer le hasard

 

À Niort, Martine Hoyas habite le Pilori de ses « Coïncidences »

La Nouvelle République, le 23/01/2020 – Sébastien Acker

L’artiste niortaise Martine Hoyas présente ses « Coïncidences » au Pilori, à Niort, jusqu’au 7 mars.
© Photo NR


 

  

La première exposition annuelle 2020 de la Ville de Niort s’est ouverte ce mercredi à l’espace d’arts visuels du Pilori. Un viatique pour un voyage en profondeur chez l’artiste niortaise Martine Hoyas.

D’entrée, les trois tipis qui accueillent le public depuis hier et jusqu’au 7 mars, dans la grande pièce du Pilori, portent en eux une signature. Ceux qui connaissent l’artiste niortaise Martine Hoyas reconnaîtront sans mal ces tapisseries élimées par le temps, récupérées dans des maisons abandonnées, devenues des peaux viscéralement organiques, tendues là comme autant de réflexions sur la mémoire, sur la précarité de nos habitats dans ce monde de mobilités et de migrations. Avec, en filigrane, la main de l’homme omniprésente, humble, pétrie d’humanisme.
« Le pourquoi est le moteur de mon histoire »Trois tipis, donc, l’un confinant au grotesque avec ses projections de logos « branchés » et sa mélodie de boîte à musique si bavarde sur notre enfance ; le second, affolé par des faisceaux, sortes de lampes torches intrigantes qui cambrioleraient nos nuits ; le troisième, animé par le feu d’un âtre virevoltant.
Puis, on entre de plein fouet dans le concret de la petite pièce du fond. La lumière d’un quatrième tipi ondule au gré du lent mouvement de l’eau et, tout au fond, des étais soutiennent une tapisserie revenue des confins du temps. À leur pied, des tas de charbons, reliquat de la prospérité minière. On revient aux sources de l’œuvre de Martine Hoyas née à Maubeuge (Nord), à la coïncidence originelle de ce destin qui l’a amenée à trouver ces tapisseries dans une maison délaissée dans la vague des affres minières. De ses études aux Beaux-arts de Valenciennes à son arrivée à Niort en 1991, ces morceaux d’histoires d’humanités allaient tresser son œuvre.

Avec, pour finir, la finesse toute délicate de son triptyque Rhapsodie brodé de fils d’or, six pièces en tout sont présentées dans ce décor où il règne une prospérité factice. Voilà toute la Coïncidence« C’est comme ces étais à la fois salvateurs et offensifs : ils luttent pour sauver ces tapisseries et, tombés d’un toit qui s’effondre, font figure de béliers destructeurs. C’est un court-circuit entre l’histoire des dernières gamelles de charbon sorties des mines et notre société itinérante d’aujourd’hui, qui tente de ne pas oublier ses racines », explique Martine Hoyas.
« Le pourquoi est le moteur de toute mon histoire », acquiesce-t-elle quand on évoque ce court-circuit, cette Coïncidence, en y voyant l’incessant va-et-vient d’une artiste entre action et réflexion. Convoquer la rencontre des deux, c’est tout son art. Ce courant alternatif contraste avec le fil continu du courant de la Sèvre qui borde son atelier de La Roussille.
Cette rencontre de deux mondes, elle la porte en elle, dégageant force et sagesse, comme un rempart à sa quête perpétuelle de sens, avec toutes les remises en question qui imposent leurs parts fragiles. Accepter la Coïncidence, c’est offrir à cet art pauvre, fait de matériaux modestes auxquels elle accorde leur seconde vie, tous les ingrédients d’une richesse humaine sublimée. Et ça, c’est d’une beauté absolue.